Texte 1 Montesquieu
Montesquieu (1689-1755), magistrat de formation, est un esprit ouvert et curieux de tout (sciences, littérature, histoire, philosophie). Son œuvre la plus importante, L’Esprit des lois, a influencé les Constitutions de l’époque révolutionnaire, par sa conception de la démocratie parlementaire, du principe de séparation des pouvoirs et sa condamnation de l’esclavage.
Les Lettres Persanes sont un court roman, paru en 1721 à Amsterdam, sans nom d’auteur, mais on y a bien vite reconnu la plume de Montesquieu, soucieux de ne pas compromettre sa carrière de magistrat par cet ouvrage aux apparences frivoles, voire licencieuses, mais au contenu bien plus subversif.
L’auteur profite de la mode du roman épistolaire (= par lettres) en imaginant deux Persans qui voyagent en Europe et échangent à travers leurs lettres leur étonnement et leurs critiques devant le fonctionnement de nos sociétés. Usbek, un des Persans, reçoit aussi des nouvelles d’Ispahan qui l’avisent d’une révolte des femmes de son sérail : c’est surtout l’occasion pour Montesquieu de s’interroger sur la condition féminine et de souligner les contradictions entre les théories progressistes d’Usbek et son comportement (dans son palais où il se conduit en despote sanguinaire régnant sur ses esclaves).
Les dernières lettres du livre nous font assister à un véritable bain de sang dans le sérail, notamment avec la mort de Roxane la favorite, modèle de vertu.
Montesquieu, Lettres Persanes (1721)
Lettre CLXI (dernière)
Roxane à Usbek, à Paris.
Oui, je t’ai trompé ; j’ai séduit tes eunuques1 ; je me suis jouée de ta jalousie ; et j’ai su, de ton affreux sérail2, faire un lieu de délices et de plaisirs.
Je vais mourir ; le poison va couler dans mes veines.
Car que ferais-je ici, puisque le seul homme qui me retenait à la vie n’est plus3 ? Je meurs ; mais mon ombre s’envole bien accompagnée : je viens d’envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges qui ont