Une histoire commune à construire

Les infirmiers, au fond, ce serait les médecins qui en parleraient le mieux. Hélas ! Aux deux larrons de Tosquelles (1) répond le soignant marginal de C. Phéline (2), neurochirurgien fondateur de la comatique. Le progrès en comatique ne repose pas essentiellement sur la technique, qu’il s’agisse de matériel ou de dextérité manuelle. Dans un ouvrage collectif, consacré à la réanimation et au coma, Phéline retrace à grands traits l’histoire de la discipline telle qu’elle s’est fabriquée à Orléans. Le soignant de réanimation y apparaît non pas comme un super-technicien mais comme un maître relationnel :
« Il nous faut, dans ces services performants, trouver hors de nos habitudes de penser et de nos activismes les solutions adaptées au problème posé par le traumatisé crânien, cherchant hors de la stricte technicité la réponse à son besoin actuel, particulier et apparemment non exprimé. Certains soignants possèdent intuitivement le sens de cette communication. Ils sont habituellement marginaux et discutables mais porteurs dans leur profondeur d’une béance particulière à travers laquelle ils savent rejoindre le plus déshérité. Ils sont doués d’une dimension qui n’est pas ordinairement appréciée, celle qui permet l’actualisation et la mise en disponibilité totale auprès de leur patient. » (3) Les qualités relationnelles dépeintes ne vous semblent-elles pas caractériser ce que la psychanalyse nomme le contre-transfert et la relation d’aide l’empathie ? Ne croirait-on pas à lire ces lignes que l’auteur décrit un de ces infirmiers de secteur psychiatrique qui firent les beaux jours de la psychothérapie institutionnelle et de la psychiatrie de secteur ? Yves Blanchard, dont C. Phéline, dessine le portrait, ne travaille pas en psychiatrie mais en réanimation. « Infirmier à Orléans, il crée des jouets pour comateux, énormes boules de papier qui figurent un objet transitionnel ; il sait par quelle attitude apprivoiser une réaction inespérée