Vaut il mieu changer ses desirs que l'ordre du monde
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20 pages
Le monde est un fait accompli devant lequel nous somme placés. Nous sommes bien obligés de l’accepter tel qu’il est, puisque c’est à ce monde ci que nous sommes confrontés, et pas à un autre. Pour autant, l’homme est le seul être connu, parmi ceux qui peuplent ce monde, à concevoir l’idée du monde tel qu’il n’est pas, et tel qu’il serait s’il comblait l’ensemble de ses manques, qu’ils soient nécessaires comme le sont les besoins, ou apparemment dispensables tels que semblent l’être les désirs. On sait que, peu à peu, l’homme est parvenu à transformer des parcelles du monde pour qu’elles satisfassent ses besoins les plus essentiels. Mais, dans la foulée de ces premières transformations, il en est venu à exiger du monde une satisfaction plus globale, qui le ferait passer de la satisfaction des besoins strictement nécessaires à la création permanente de nouveaux manques jusque là jamais ressentis ni même imaginés auxquels on donnera immédiatement réponse. Parfois, c’est chez un même auteur qu’on trouve de tels paradoxes, y compris chez les plus rigoureux d’entre eux. Ainsi, chez Descartes, entre la troisième et la sixième partie, le discours semble avoir changé du tout au tout : si dans la troisième partie, Descartes recommande de changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde, dans la sixième, il annonce au contraire que l’homme doit devenir « comme maître et possesseur de la nature ». Ce n’est là que la matérialisation à l’intérieur d’une seule et même pensée du paradoxe qu’on évoquait auparavant : d’un côté, l’homme semble être en mesure de changer l’ordre du monde pour le plier à la loi de son désir, mais d’un autre côté, on sent bien qu’il y a dans cette ambition quelque chose d’inquiétant et de peut être illégitime. Ainsi, pris entre deux feux dont on verra qu’il ne maîtrise ni l’un, ni l’autre, l’homme doit il choisir à quelle loi il est censé se soumettre : la loi du désir ? Ou la loi du monde ? Puisque nous avons repéré au sein même de la pensée de Descartes