I] Genèse
Comme nous avons pu le constater en évoquant les travaux de Philippe Jaccottet, A la lumière d'hiver est un ensemble de trois recueils. Le premier d'entre-eux, Leçons, a été composé entre le 3 novembre 1966 et le 17 octobre 1967 et il n'est publié qu'en 1969. Jaccottet a fait quelques confidences sur le contexte dans lequel il l'a écrit : « Leçons est un livre que j'ai tout banalement écrit après la mort de mon beau-père, qui est le premier homme à l'agonie duquel j'ai assisté, avec des réactions qui d'ailleurs ont été loin d'être totalement négatives » (Philippe Jaccottet, entretien avec Reynald André Chalard). Il confie également que c'est ce recueil sur lequel il a passé le plus de temps de travail mais il regrette toutefois le rendu final qu'il considère comme étant le moins bon parmi tous ses écrits.

Il convient surtout de noter les profondes modifications apportées au poème au fil des éditions avec notamment l'abandon progressif de tout système de rimes. Ainsi des textes ont disparu, d'autres ont vu le jour. Tandis que le quatrain d'ouverture en 1969 était composé de vers de douze syllabes, celui de 1971 l'était de vers de quatorze syllabes. En réalité, ce remaniement n'avait d'autre dessein que de renforcer la présence de la mort quitte à l'exagérer dans ses traits. Puis on peut relever que Jaccottet entreprend trois changements différents : d'abord il supprime les images peignant la mort de façon lyrique. Il en résulte ainsi du poème à la page 20 où des métaphores plus ordinaires - « mur », « engin » - ont été préférées au vocabulaire guerrier précédemment utilisé – « boucliers », « guerriers », « torches ». Ensuite, Jaccottet écarte la présence du sujet : par exemple, le vers « j'osais tracer des routes dans le gouffre » a été remplacé par « aller tracer des routes jusque-là ! » (p. 11). Et in fine, le poète n'hésite pas à resserrer l'expression pour la renforcer dans sa puissance. Le poème de la page 32 a ainsi été bouleversé :
« Toute la