| Critique littéraire: l'arrache-cœur, Boris Vian |

On aurait pu intituler cette histoire « Au pays des merveilles et des horreurs ». Ainsi que l'est notre monde.
Jacquemort, autoproclamé psychiatre, poussé par le besoin de combler son « vide », décide de mener ses recherches dans un étrange village. A son arrivée, il aide Clémentine à mettre au monde des « trumeaux ». Suite au départ du mari, Jacquemort décide alors de s'installer avec cette mère martyre et masochiste et ses trois enfants mutants: Noël, Joël et Citroën. Son étude consiste à psychanalyser les gens afin de remplir son vide en assimilant leurs pensées. Il découvre vite que ce village est le village de la honte où les adultes sont sauvages, féroces, malheureux et voués à la solitude, cependant que les enfants, complices dans un monde magique et tragique, tentent de sauver secrètement leurs dons et leur passion de vivre.

L’Arrache-cœur, dernier roman signé Boris Vian/ est publié en 1953. Il était conçu comme le premier volet d’une trilogie intitulée Les Fillettes de la reine, qui n’a jamais vu le jour. Il met en scène un monde dénué de honte et de culpabilité face aux actes les plus innommables. Il présente à la lumière toutes nos contradictions: amour-cruauté, sacrifice-masochisme, prison- pays imaginaire... Mais surtout il explore le monde de l'enfance et de la psychanalyse en plus des dérives religieuses et des dysfonctionnements de tous genres.

L'enfance est ici perçue à la fois comme un monde horrible et merveilleux. Elle est négative avec le rôle de la famille et des parents, premiers représentants de la société qui, par leur lourde présence, leur surveillance et les valeurs qu'ils imposent, imprègnent les enfants de dépendance, de discipline et de frustration et fabriquent des individus moralement handicapés et privés de toute liberté. Comme le seront les trumeaux, emprisonnés par l'amour