L'art de hegel
TEXTE DE HEGEL : L’ART
« L’objectivation des sentiments a justement pour effet de leur enlever leur intensité et de nous les rendre extérieurs, plus ou moins étrangers. Par son passage dans la représentation, le sentiment sorte de l’état de concentration dans lequel il se trouvait en nous et s’offre à notre libre jugement. Il en est des passions comme de la douleur : le premier moyen que la nature met à notre disposition pour obtenir un soulagement d’une douleur qui nous accable, sont les larmes ; pleurer, c’est déjà être consolé. Le soulagement s’accentue ensuite au cours de conversation avec des amis, et le besoin d’être soulagé et consolé peut nous pousser jusqu’à composer des poésies. C’est ainsi que dès qu’un homme qui se trouve plongé dans la douleur et absorbé par elle est à même d’extérioriser cette douleur, il s’en sent soulagé, et ce qui soulage encore davantage, c’est son expression en paroles, en chants, en sons et en figures. Ce dernier moyen est encore plus efficace, et la douleur se trouve fortement soulagée par l’objectivation des sentiments qui enlève à ceux-ci leur caractère intense et concentré, les rend pour ainsi dire impersonnels et extérieurs à nous. Le cas est très fréquent d’artistes qui, frappés d’un malheur, réussissent à diminuer, à affaiblir l’intensité de leur sentiment en l’extériorisant dans une œuvre d’art. Autrefois, il y avait la coutume des visites de condoléances ; elles étaient très pénibles, mais la sympathie témoignée par les visiteurs, la répétition des mêmes formules, l’objectivation de l’événement contribuaient dans une grande mesure à soulager la douleur. Aussi était-ce une excellente coutume, surtout en cas de décès, de venir de toute part exprimer des condoléances aux parents les plus proches du mort. En parlant avec chacun du malheur qui venait de les frapper, ils éprouvaient un grand soulagement. L’institution des pleureuses chez les Anciens tire son