Le français image est calqué sur le latin imago. Ce dernier terme ne transcrit lui même qu'assez pauvrement les multiples échos induits par le vocabulaire grec de l'image, qui est avec eidôlon [εἴδωλον], eikôn [εἰκών], phantasma [ϕάνταὓμα], emphasis [ἔμϕαὓιὖ], tupos [τύποὖ], etc. plus riche et beaucoup plus évocateur que le latin. Or aucun de ces termes n'est l'exact équivalent de notre français image, et ils ne sont pas non plus équivalents entre eux. De là de sérieuses difficultés de traduction, qu'il s'agisse de ce que représente un dessin ou de ce qui se présente dans un miroir. Car cette richesse n'a rien de fortuit : loin d'être simple, l'image est par elle-même quelque chose de plural et d'ambigu; ce n'est ni une chose, ni un concept, mais « un visible qui donne à en voir un autre »; visible de second degré qui peut même n'être pas le résultat direct d'une sensation, mais un produit de la mémoire ou de l'imagination. De plus, la manière dont on a conçu l'image a beaucoup évolué en fonction des théories qu'on s'est fait de la vision et des découvertes successives de l'optique. De là d'autres méprises possibles, car même pour un terme dont la traduction par « image » semble naturelle, toute interprétation anachronique peut conduire à manquer le sens d'un passage par suite d'une méprise proprement culturelle.
I. Les vocables grecs et les traits archaïques de l' image Ce qu'on voit dans un miroir ou une peinture a donné à penser aux anciens Grecs. Les termes usuels par lesquels ils ont dénommé l'image ont été porteurs de traits archaïques dont on trouve des traces dans leur réflexion philosophique.
A. « Eidôlon » : du visuel porteur d' illusion
Le terme le plus courant pour image, eidôlon [εἴδωλον], a pour racine le verbe signifiant voir, par son infinitif aoriste eidon [εἶδον]. L'eidôlon, c'est ce qu'on voit comme si c'était la chose même, alors qu'il ne s'agit que d'un double : ombres des morts dans l'Hadès (Odyssée, XI, 476), sosie d'Hélène