L'âme du vin baudelaire
Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles :
" Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j'éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;
J'allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l'éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! "
Charles Baudelaire
ANNALYSE
PLAN
1) Début d'un conte : premier quatrain
2) L'accès à un paradis artificiel : deuxieme quatrain, avec a), Un échange moralisateur b), Une identification à l'homme troisieme et quatrieme quatrain
3) Une lutte vitale : cinquième & sixieme quatrain
Strophe 1:
Début narratif comme pour un conte. L’imparfait de narration plante un décor: le soir (moment idéal pour boire), le chant (très souvent accompagnateur des buveurs) et les bouteilles,
Ici, le vin a une âme: il aime son buveur - "cher" - et il le juge "déshérité".
Libéré de sa "prison" que représente la bouteille, il "pousse", à la manière des bons vivants "un chant" à boire. "Cires vermeilles" et "lumière" d’une part et "fraternité" d’autre part instaurent une tonalité de sincérité fraternelle et de franche