L'art nous éloigne-t-il du réel ?
L’art nous éloigne-t-il du réel ?
On dit souvent, en guise de gage de qualité, que tel roman ou tel film nous a permis de nous évader. L’art, par les sentiments qu’il éveille en nous, semble ici modifier notre rapport à la réalité, puisqu’il nous la fait oublier. Pourtant, l’émotion esthétique ne relève pas de la pure distraction ou du simple amusement : l’œuvre d’art fait aussi appel à notre esprit, à notre réflexion. C’est bien là le signe que l’art n’est pas qu’un jeu d’illusionnistes. L’expérience esthétique nous modifie, nous enrichit en nous dévoilant une certaine vérité jusque-là masquée par notre rapport à la réalité quotidienne.
Ainsi la question à se poser est si l’art, en tant que production humaine, modifie-t-il la qualité de notre rapport à la réalité concrète ? Autrement dit, permet-il de changer la vie, ou bien est-ce le jugement, l’état d’âme que suscite en nous l’œuvre d’art qui modifie notre manière d’appréhender et de comprendre le monde, l’œuvre d’art devenant dans ce cas inutile et donc sans efficacité ? Nous verrons dans un premier temps qu’effectivement l’art nous détourne du réel. Puis dans un second temps nous verrons que l’art ne nous éloigne pas du réel. Et enfin que l’art nous fait voir la réalité d’une autre manière.
Lorsqu’une œuvre d’art (un roman, un film.) nous plaît, on dit qu’elle nous captive. Si l’on se trouve en captivité, c’est que, tout comme le prisonnier, nous sommes arrachés à la réalité, au monde extérieur. On perd la notion du temps et de l’espace pour être comme transportés dans la dimension propre de l’œuvre : on ne lit pas Madame Bovary, on est Emma Bovary. L’œuvre d’art parvient à suspendre l’attention que nous portons habituellement au monde qui nous entoure, pour nous faire entrer dans une réalité fictive, qui a sa propre cohérence.
Mais la puissance de cette modification de notre rapport à la réalité est inversement proportionnelle à sa durée : une fois notre lecture