M Delvaux Les Femens 3 Oct 2013 Le Devoir 2013
Le corps-à-corps des Femen
Jeunes féministes soldates contre le patriarcat, amazones d’aujourd’hui, les Femen empruntent au monde militaire la mise en danger de soi et l’usage du spectacle
3 octobre 2013 | Martine Delvaux - Professeure de littérature à l’Université du Québec à Montréal, romancière et essayiste, auteure de Les cascadeurs de l’amour n’ont pas droit au doublage (Héliotrope, 2012). | Actualités en société
Photo : La Presse canadienne (photo) Jacques BoissinotLa peau rougie des manifestantes à la sortie du Salon bleu ne laisse aucun doute sur l’effet des mains des gardes de sécurité sur le corps. C’est une peau qui porte les traces d’un réel corps-à-corps.
Le 1er octobre, trois jeunes femmes, assises dans la tribune du Salon bleu, se sont soudainement redressées, ont dénudé d’un coup le haut de leur corps, et ont scandé le slogan qui y était inscrit à l’encre noire : « Crucifix, décâlisse ! » Ça s’est passé au moment où Pauline Marois prenait la parole. À l’écran, on voit la première ministre, qui vient elle aussi de se lever, le regard porté vers le lieu d’où viennent les cris. Ce lieu, ce sont les corps de trois membres de l’organisation militante Femen Québec. Rapidement entraînées hors de la salle par des gardes de sécurité, forcées de se rhabiller, Stéphanie « Sun Art », Julie-Anne Beaulac et Xenia Chernyshova ont ensuite été escortées à l’extérieur du Parlement. Les Femen se sont levées à la tribune du Salon bleu au moment où Pauline Marois prononçait les mots « agir maintenant… ». Et c’est bien ce que les trois jeunes femmes ont fait : elles ont agi, théâtralement, pour dénoncer le statu quo gouvernemental concernant la place du crucifix à l’Assemblée nationale. Parce que les Femen agissent, elles sont des actionnistes. Leur objectif est de surprendre, déranger, troubler l’ordre public par des actions pacifistes où les seuls corps qu’elles mettent en jeu et en péril sont les leurs. Le Web nous