Éxposé "les chatiments" ruy blas - hugo
Cette communication prolongera la réflexion sur le romantisme et l’utopie amorcée à l’occasion de mes recherches sur Nerval. Elle sera l’occasion de faire le point de mes recherches sur la poétique de l’utopie au XIXe siècle. Je replacerai Les Châtiments dans l’histoire de la relation complexe qu’entretient le romantisme avec l’utopie. Mon propos ne sera pas centré sur le prophétisme, sujet déjà abordé par Sheila Gaudon[1]. Cet aspect a été largement évoqué par les commentateurs du recueil récemment mis au programme du baccalauréat. Je tenterai plutôt de cerner les usages de la culture utopique dans Les Châtiments de Victor Hugo. Depuis Charles Nodier et la chaumière des Proscrits, qui doit beaucoup à Bernardin de Saint-Pierre, l’exil appelle la référence aux utopies du siècle précédent. Cette référence n’est pas, loin de là, toujours positive, comme le montre le cycle du dériseur sensé du même Nodier. Deux de ses contes évoquent avec une ironie grinçante les méfaits du progrès. A la manière des utopistes du XVIIIe siècle, Nodier constate les effets néfastes de la civilisation européenne sur des îles imaginaires qui ont tout l’air de colonies. Le XIXe siècle achève de désolidariser l’utopie et l’insularité. Mais, conçue positivement ou pas, l’île reste solidaire d’un idéal utopique déçu. Les dystopies insulaires du XIXe siècle ne sont jamais que les négatifs d’un idéal premier. De toute évidence, l’insularité apparaît dans Les Châtiments comme éminemment dystopique. Et pourtant, Victor Hugo se place dans la filiation de l’utopie en revendiquant l’héritage de Swift. La référence à Swift recouvre un usage satirique de l’utopisme, comme ce n’est pas toujours le cas dans la pratique du romantisme. Encore faut-il définir ou plutôt redéfinir ce qu’est la satire selon Hugo. Le grotesque prend dans sa poésie une dimension fantaisiste dépassant le strict cadre de la critique politique ou du pamphlet.