05 Rodica Stoicescu
MILAN KUNDERA ET L’AUTHENTICITÉ DU ROMAN
Rodica STOICESCU *
L
a dispute autour de l’authenticité du roman est loin d’être réglée. Accusé par
Platon de mensonge, réhabilité par
Aristote grâce au principe de la mimesis – représentation du réel par la représentation artistique –, le roman reste encore au cœur des débats concernant son «authenticité.» On peut donc se demander ce qui s’est passé avec ce pacte sur la fictionnalité conclu, depuis Aristote, entre l’auteur et son lecteur, pacte qui garantit l’autonomie du roman face au monde dont il est le reflet et non pas la copie. Or, de nos jours, il y a un appétit démesuré du public pour les productions artistiques «authentiques» dans lesquelles il chasse les indices de la vie réelle.
La romancière allemande Julie Zeh dénonce cette aspiration illusoire à la réalité, encouragée par tous les médias. ˝Dans tous les coins, dit-elle, on appâte le public à grands coups d’authenticité, afin qu’il s’enivre de l’illusion de participer en personne à l’action. Le siècle de la communication, avec ses innombrables formes de médiateurs et de médiatisation, de copies et de citations, engendre, semble-t-il, une fringale d’immédiateté qu’on cherche à apaiser en faisant appel justement à la plus artificielle des formes d’expression: l’art.˝ [1 : 3]
Les remarques de Julie Zeh suscitent plusieurs questions. D’abord, quel et le rapport entre le monde du texte et le monde ?
Comment s’explique le désir du lecteur averti ou moins averti de chercher dans la fiction le vécu, garant d’authenticité ? Et, finalement, une question qui réunit les réponses aux questions précédentes: Quelle grille de lecture peut saisir l’authenticité du roman ?
Je m’arrêterai sur deux types de lecture, apparemment opposés: la lecture existentielle, proposée par Milan Kundera, figure singulière dans le monde des lettres contemporain dont l’œuvre romanesque est complétée par une réflexion sur l’art du roman
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moderne depuis ses