3LES NOMS PROPRES DANS MADAME BOVARY2 1
Essai d’onomastique flaubertienne
L’examen approfondi du nom des personnages est souvent une aide précieuse pour qui veut comprendre l’élaboration d’une œuvre romanesque. Dans cette optique, une étude de l’onomastique dans le roman de Flaubert Madame Bovary a été publiée autrefois par Jean Pommier, dans un numéro de la revue Mercure de France, le 1er juin 1949. Cette étude, « Noms et prénoms dans Madame Bovary »1, intéressante quoique très incomplète, nous a permis d’observer certains phénomènes significatifs de ce roman. Nous en apportons ici quelques autres. Madame Bovary propose en effet une véritable galerie bourgeoise de portraits et les toponymes normands y voisinent avec des noms de lieux sortis tout droit de l’imagination de l’auteur, comme Yonville-l’Abbaye ou Les Bertaux. Quelle est l’invention des noms propres dans Madame Bovary ? En quoi les patronymes et les prénoms correspondent-ils aux personnages qui les portent ? En quoi sont-ils symboliques ? Les noms de lieux sont-ils choisis de la même manière ?
Chaque nom sera ici analysé au scalpel, afin de déterminer la subtilité de l’onomastique flaubertienne.
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I) La famille Bovary
Le prénom « Charles2 » vient du germanique « viril », « fort », « vigoureux », « mari », « époux », « campagnard »3 ; en effet Charles est, au début, décrit comme « un gars de la campagne […] plus haut de taille qu’aucun d’entre nous » (61)4 ; « il n’avait guère d’élégance dans les tournures » (64) et, enfant, il allait nu « comme les enfants des bêtes » (65) ; « [son père] avait en tête un certain idéal viril de l’enfance, d’après lequel il tâchait de former son fils, voulant qu’on l’élevât durement, à la spartiate » (id.) ; « aussi poussa-t-il comme un chêne » (66) ; enfin il est tout sauf raffiné :
Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d’équitation qu’elle avait rencontré dans un roman. / Un homme,