Alexis de Tocqueville visite Manchester en 1835
Le développement extrêmement rapide de la métropole britannique du coton et la présence parmi ses ouvriers de nombreux prolétaires irlandais, chassés de leur île par la misère et contraints d'accepter des salaires de famine, fait de Manchester une des agglomérations industrielles les plus anarchiques et les plus pitoyables de l'Angleterre moderne. Tocqueville, fortement impressionné en juillet 1835 par l'aspect extérieur de la ville, en relève les grands traits dans son carnet de notes personnelles.
"Manchester, 2 juillet 1835.
Caractère particulier de Manchester.
La grande ville manufacturière des tissus, fils, cotons ... comme Birmingham l'est des ouvrages de fer, de cuivre et d'acier.
Circonstance favorable: à dix lieues [50 Km] du plus grand port de l'Angleterre [Liverpool sur la côte ouest face à l'Irlande], lequel est le port de l'Europe le mieux placé pour recevoir sûrement et en peu de temps les matières premières d'Amérique. A côté, les plus grandes mines de charbon de terre pour faire marcher à bas prix ses machines. A 25 lieues [125 Km], l'endroit du monde où on fabrique le mieux ces machines [Birmingham]. Trois canaux et un chemin de fer pour transporter rapidement dans toute l'Angleterre et sur tous les points du globe ses produits.
A la tête des manufactures, la science, l'industrie, l'amour du gain, le capital anglais. Parmi les ouvriers, des hommes qui arrivent d'un pays [l'Irlande] où les besoins de l'homme se réduisent presque à ceux du sauvage, et qui travaillent à très bas prix; qui, le pouvant, forcent les ouvriers anglais qui veulent établir une concurrence, à faire à peu près comme eux. Ainsi, réunion des avantages d'un peuple pauvre et d'un peuple riche, d'un peuple éclairé et d'un peuple ignorant, de la civilisation et de la barbarie.
Comment s'étonner que Manchester qui a déjà 300.000 âmes s'accroisse sans cesse avec une rapidité prodigieuse ?
(...)
Aspect extérieur de Manchester (2