Annie ernaux, la place
Annie ERNAUX : La place « Je hasarde une explication : écrire c'est le dernier recours quand on a trahi. »
JEAN GENET J'ai passé les épreuves pratiques du Capes2 dans un lycée de Lyon, à la Croix-Rousse. Un lycée neuf, avec des plantes vertes dans la partie réservée à l'administration et au corps ensei-gnant, une bibliothèque au sol en moquette sable. J'ai attendu là qu'on vienne me chercher pour faire mon cours, objet de l'épreuve, devant l'inspecteur et deux …afficher plus de contenu…
Une descente très longue, avec les commentaires des employés sur la meilleure façon de s'y prendre, pivoter dans le tournant, etc. Il y avait un trou dans l'oreiller sur lequel sa tête avait reposé depuis dimanche. Tant que le corps était là, nous n'avions pas fait le ménage de la chambre. Les vêtements de mon père étaient encore sur la chaise. De la poche à fermeture éclair de la salopette, j'ai retiré une liasse de billets, la recette du mercredi précédent. J'ai jeté les médicaments et porté les vêtements au sale. La veille de l'inhumation, on a fait cuire une pièce de veau pour le repas qui suivrait la cérémonie. Il aurait été indélicat de renvoyer le ventre vide les gens qui vous font l'honneur d'assister aux obsèques. Mon mari est arrivé le soir, bronzé, gêné par un deuil qui n'était pas le sien. Plus que jamais, il a paru déplacé ici. On a dormi dans le …afficher plus de contenu…
Il était grand, brun, des yeux bleus, se tenait très droit, il se « croyait » un peu. « Mon mari n'a jamais fait ouvrier. » Elle avait perdu son père. Ma grand-mère tissait à domicile, faisait des lessives et du repas-sage pour finir d'élever les derniers de ses six enfants. Ma mère achetait le dimanche, avec ses sœurs, un cornet de miettes de gâteaux chez le pâtissier. Ils n'ont pu se fréquenter tout de suite, ma grand-mère ne voulait pas qu'on lui prenne ses filles trop tôt, à chaque fois,