Antigone T1 Sophocle
Texte 1 : prologue de la pièce
ANTIGONE : -Aideras-tu mes bras à relever le mort ?
ISMENE : Quoi ! Tu songes à l'ensevelir, en dépit de la défense faite à toute la cité ?
ANTIGONE : C'est mon frère - et le tien, que tu le veuilles ou non. J'entends s que nul ne soit en droit de dire que je l'ai trahi.
ISMENE : Mais, malheureuse, si Créon s'y oppose !
ANTIGONE : Créon n'a pas à m'écarter des miens.
ISMENE : Ah ! Réfléchis, ma sœur, et songe à notre père. Il a fini odieux, infâme : dénonçant le premier ses crimes, il s'est lui-même, et de sa propre main, arraché les deux yeux. Songe à celle qui fut et sa mère et sa femme, qui mérita ce double nom et détruisit sa vie dans le nœud d'un lacet1. Songe enfin à nos deux frères, à ces infortunés qu'on vit en un seul jour se massacrer tous deux et s'infliger, sous des coups mutuels, une mort fratricide ! Et, aujourd'hui encore, où nous restons toutes les deux seules, imagine la mort misérable entre toutes dont nous allons périr, si, rebelles à la loi, nous passons outre à la sentence, au pouvoir absolu d'un roi. Rends-toi compte d'abord que nous ne sommes que des femmes : la nature ne nous a pas faites pour lutter