Comment et pourquoi distinguer dans l’âme des parties ou des facultés ? En quoi peut-on leur assigner une fonction propre dans le procès du connaître et de quelle modalité de la connaissance s’agit-il ? Enfin comment en déduire de quoi mettre à jour la genèse de l’action authentiquement vertueuse ? C’est à ces trois questions que répond l’extrait ici proposé, qui se situe au début du Livre VI de l’Ethique à Nicomaque, et plus précisément fait suite au chapitre qui annonce l’examen de la droite règle, l’orthos logos. Or cette notion est au centre de toute l’éthique aristotélicienne, puisqu’elle va permettre d’articuler le passage de la vertu simplement éthique, c’est-à-dire au sens grec vertu du caractère, à la vertu au sens propre, c’est-à-dire la vertu intellectuelle. En effet, la vertu éthique (qui a fait l’objet d’une définition au Livre II, et dont les Livres III à V sont des applications aux divers domaines de la vie pratique) a été déterminée par un effort de tension visant un moyen terme, permettant d’éviter l’excès et le défaut dans le comportement. Or ce que met en lumière notre extrait, c’est l’espace propre de ce qu’Aristote appelle la prudence, la phronèsis, la vertu donc en sa dimension intellectuelle, et non plus simplement éthique. Plus précisément il est question de montrer que la prudence est la vertu totale, et en tant que telle l’œuvre propre d’une partie de la partie supérieure de l’âme, plus précisément celle en laquelle se détermine l’ordre intellectuel de la pratique. La thèse d’Aristote est ici que la vertu en tant que telle est l’état d’une âme préparée par la contrainte à l’action vertueuse, et ainsi devenue capable de mobiliser une réflexion sur les moyens adéquats aux fins présentées par le désir qui est en quelque sorte son moteur, désir qu’il lui convient de porter à son accomplissement ; mais réciproquement Aristote va montrer qu’il s’agit simultanément de l’état d’un désir qui n’est plus simplement contraint par l’habitude, et qui