La langue de la publicité par ETIEMBLE
Publicitaires que vous êtes, vous connaissez mieux que moi ce qu'on pense de la publicité dans les milieux littéraires :
« La publicité, un des grands maux de ce temps, insulte nos regards, falsifie toutes les épithètes [...] corrompt toute qualité et toute critique » (Paul Valéry) ou dans l'Université de France :
« Que dire enfin de la publicité, de l'immonde publicité qui sur nos routes, nos murs, nos écrans, souille le vocabulaire et mutile la syntaxe ? » (Pierre Guiraud).
Toutefois, comme l'écrit Publicis, « les contacts entre l'Université et la publicité se sont multipliés. Il s'est ainsi opéré un rapprochement qui aurait paru difficilement concevable il y a une dizaine d'années. » Il est vrai, et que ce n'est pas la première fois que je parle devant des publicitaires. Bien que je pense comme Valéry ou Guiraud sur la langue de la publicité, ou plutôt parce que je pense comme eux, je tiens que mon devoir et mon intérêt (d'écrivain, de professeur) me commandent de dialoguer avec les publicitaires : ne serait-ce que pour les inviter à se demander s'ils ne feraient pas aussi bien leur métier en écrivant un français de qualité.
Celui qu'ils écrivent aujourd'hui, le voici, schématisé :
a) Orthographe.
En accumulant des mots comme ipyroflam, euroflam, gripps, kiplay, mailcott, essca-pade, milpatt, lavog, odiovox, enduialo, pienett, miz'ter, les publicitaires s'arrogent le droit de violer l'usage. Au moment où les académiciens crient au meurtre parce qu'une commission de réforme propose quelques aménagements (insuffisants, ou excessifs selon le point de vue qu'on adopte), je m'étonne de la sérénité de ces mêmes académiciens devant les milliers de mots du type ci-dessus. Comment voulez-vous que l'écolier écrive ensuite cotte de mailles, flamme, mystère ou mise à terre, escapade, enduit à Veau ? Odiovox est particulièrement fâcheux : on le dirait créé par un ennemi des techniques « odiovisuelles » {audiovisuelles) .
b)