Bête humaine fin chapitre 12 " le train de la mort"
I. Une puissance meurtrière
Cette scène qui clôture la Bête humaine témoigne nettement de la vocation narrative du train. Omniprésent dans l’action du roman, le train se révèle dans cet extrait à la fois comme force agissante et comme personnage. Livré à lui-même, pris d’un mouvement furieux et incontrôlable, le train caractérise ici une puissance terrifiante qui provoque l’effroi sur son passage : " l’épouvante glaça la gare, lorsqu’elle vit passer, dans un vertige de fumée et de flamme, ce train fou, cette machine sans mécanicien ni chauffeur " (l. 1-4). Sa course, effrénée et folle, préfigure en quelque sorte une catastrophe dont la menace se lit dans les réactions de panique qu’il déchaîne : " Les employés étaient restés béants, agitant les bras. " (l. 7), " Tout de suite, le cri fut général " (l. 8), " Et l’on se précipita au télégraphe, on prévint. " (l. 12-13), " tous les appareils télégraphiques de la ligne tintaient, tous les cœurs battaient " (l. 23), " On tremblait de peur " (l. 25), " il terrifia " (l. 29). Notons en outre que sa chevauchée est notamment rendue par la répétition du verbe rouler, conjugué de surcroît à l’imparfait itératif (" il roulait, il roulait ", (l. 31), " elle roulait, elle roulait " (l. 37)). Il est par ailleurs intéressant de remarquer qu’en regard du train, largement humanisé, la gare, les cheminots et les voyageurs sont fondus dans une entité humaine anonyme assumée soit par des " on " impersonnels (l. 1, 12, 25) soit par des pluriels de généralité (" les employés ", " tous les cœurs ", " les victimes "). Certes, la focalisation s’opérant depuis le train lancé à grande vitesse, le paysage ne peut être que balayé du regard. Il reste pourtant que l’inversion est patente entre