Baudelaire, « harmonie du soir », les fleurs du mal (1857)
Harmonie du soir
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir.
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir,
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir,
Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige,
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir,
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige…
Extrait des Fleurs du mal, section « Spleen et Idéal »
Si le titre du recueil baudelairien, Les Fleurs du Mal, fonde une analogie entre fleur et poème, il semble induire que l’activité poétique naît d’une conscience sombre et pervertie, pour faire connaître au lecteur une sorte de mort par contamination. Pourtant « Harmonie du soir », poème qui figure dans la première section intitulée « Spleen et Idéal », laisse paraître le motif de la fleur-poème, mais de façon à lui conférer une valeur positive. La forme codifiée du pantoum, d’origine indienne, organise le retour des alexandrins d’une strophe à l’autre, et purifie la fleur-poème de ses attraits sensuels (première et deuxième strophes) en la métamorphosant, par le douloureux travail du poète (troisième strophe), en vecteur spirituel du souvenir éternel (strophe finale. Dès lors, comment la rigidité du pantoum, et le retour du même, permettent-ils de fonder une dynamique propre à constituer la poésie comme moyen de solidifier le souvenir contre les assauts de la mort et de l’oubli ?
Baudelaire fait l’expérience d’un envoûtement sensuel (première partie), à la manière d’un impressionniste, à travers la présence