Borne/limite
Au premier abord, il peut sembler oiseux de distinguer ces deux notions. En effet, poser des bornes autour d’un champ, c’est le délimiter, en fixer les limites. De même, la limite d’âge met fin à l’activité professionnelle de quelqu’un et pose ainsi une borne, une frontière au-delà de laquelle il ne peut plus exercer son métier.
Toutefois, une distinction féconde peut être opérée, et elle l’a été par Kant dans la Critique de la raison pure. Déjà, on perçoit une nuance dans la langue commune : on parler de reculer les bornes de la connaissance, mais on ne recule pas les limites qu’institue la loi. Ce n’est pas la même chose de dire qu’il y a des bornes de la connaissance et de dire qu’elle a des limites. On peut déplacer des bornes : on le fait quand on agrandit son champ par l’acquisition de celui du voisin ou quand une découverte scientifique ouvre à la connaissance de nouveaux horizons. En revanche, quand un homme atteint sa dernière limite, il est à la dernière extrémité et n’ira pas au-delà ; et « connaître ses limites », c’est savoir exactement jusqu’où on peut aller et qui ne saurait être dépasser.
La distinction kantienne reprend et construit rigoureusement cette différence. Lorsque Kant définit la Critique de la raison pure comme la « science des limites ». Kant entend par là qu’il s’agit d’examiner quel est le pouvoir de connaître de la raison et par là de déterminer les limites qui lui sont imposés par la nature même de la raison humaine.
Kant entreprend, par l’usage d’une comparaison, de faire saisir le sens de la distinction entre borne et limite. Supposons un voyageur qui s’avance sur la terre pour en faire l’exploration : il verra toujours devant lui l’horizon borné, et, en continuant d’avancer, il découvre de nouveaux espaces en même temps que l’horizon recule. Il ne peut jamais vraiment savoir jusqu’où la terre s’étend : il constate empiriquement ces bornes, il ne peut les déterminer scientifiquement. Il a une perception