Camus cet étranger
CF : Albert Camus, bonjour. Vous êtes ici pour nous parler de votre dernier livre : «le premier homme ».
Vous portez un regard d’une phénoménale lucidité sur le monde du travail, sur le chômage et sur la xénophobie en Algérie. Mais on y trouve surtout le reflet de votre enfance.
AC : J’aurais voulu parler de ces algériens français de la première génération des émigrants, lorsque le pays est devenu territoire français C’étaient eux, les premiers hommes.
CF: Le roman s'ouvre sur la naissance de Jacques et raconte son enfance dans un petit village en Algérie, la vie avec sa mère et sa grand-mère, les jeux avec ses camarades... Jacques grandit avec un seul parent et on peut lire entre les lignes l'absence de l'autre
AC : Un seul parent… ma mère… Mon père est « mort au champ d’honneur comme on dit", en 1914. J’avais un an.
Ma mère... calme, impénétrable, silencieuse comme la mer. J’ai passé mon enfance et mon adolescence et une partie de ma vie sous l’éclat du soleil, à la chaleur de pierres et sur les plages sauvages. La terre et la mer m’ont donné la foi en l’homme, le goût de la beauté, le souci de l’harmonie humaine, mais aussi le besoin d’ordre et de mesure et l’exigence de la vérité .
« Je suis né pauvre et sans religion, sous un ciel heureux, dans une nature avec laquelle on sent un accord, non une hostilité. Je n’ai donc pas commencé par le déchirement, mais par la plénitude.» (1948).
CF : Votre roman semble inachevé, pourquoi ?
AC : Je vous en parlerai, plus tard….
CF : Votre jeunesse fut vécue dans la pauvreté. C’est grâce à une bourse que vous avez pu poursuivre vos études au lycée . Vous passiez d’un monde à un autre : du quartier des pauvres où vous habitiez, au lycée, l’école des riches, des réalités prolétariennes à l’euphorie du savoir…
AC : « J’ai grandi dans la mer, et la pauvreté m’a été fastueuse » (l’Été- 1954) « C’est dans cette vie de pauvreté, parmi des gens humbles et vaniteux que j’ai le