Nous présentons le plus souvent l'opinion comme « personnelle » alors qu'elle est d'abord une pensée collective. De nos jours, nous avons pris l'habitude que d'autres pensent à notre place et quand une décision importante doit être prise, notre réflexe est souvent d'aller consulter ce que d'autres pensent (avant de nous demander ce que nous en pensons nous-mêmes). Alain met en cause une paresse de la pensée, et cette tentation constante d'un repli dans l'opinion commune. Qu'est-ce que l'opinion? Est-elle d'abord une prise de parti personnelle, ou plutôt un mode de penser impersonnel?
Cependant, il est important de différencier l'opinion comme pensée collective (qui donne aussi la rumeur), de l'opinion publique comme voix d'expression de la volonté générale. Alain revendique l'indépendance d'esprit pour la pensée, l'indépendance du jugement, le souci de fonder ce que nous pensons devant nous-même, plutôt que de constamment aller consulter une autorité extérieure, et en plus cette autorité imaginaire qu'est « l'opinion publique ».

Pour commencer, le mot opinion est au pluriel « les opinions » sont le lot de tous, celles dans lesquelles nous puisons, les idées en l'air que nous ne faisons que répéter et qui constitue la pensée commune, ce que nous appelons en philosophie l'opinion. Ce qui est subi est le contraire de ce qui est agi. Si je subis l'opinion, c'est que je n'en suis pas l'auteur. Notre pensée baigne dans une opinion commune. Nous sommes depuis l'enfance alimentés, nourris d'opinions de toutes sortes. Pendant une longue période nous n'avons fait que subir des opinions et il serait temps enfin de passer du subir à l'agir, de former nos propres vues au lieu de répéter ce qui nous a été dit. L'opinion, ce n'est pas la voix de quelqu'un en particulier, c'est la voix de tous au sens où elle est anonyme : l'opinion, c'est ce que l'on pense, ce que l'on dit. Un citoyen (membre de l'Etat) ayant été informé de manière à pouvoir juger de manière pertinente