Commentaire philo spinoza
Si les hommes avaient le pouvoir d’organiser les circonstances de leur vie au gré de leurs intentions, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient pas en proie à la superstition. Mais on les voit souvent acculés à une situation si difficile, qu’ils ne savent plus quelle résolution prendre ; en outre, comme leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballote misérablement entre l’espoir et la crainte, ils sont en général très enclins à la crédulité […] D’infimes motifs suffisent à réveiller en eux soit l’espoir, soit la crainte. Si, par exemple, pendant que la frayeur les domine, un incident quelconque leur rappelle un bon ou mouvais souvenir, ils y voient le signe d’une issue heureuse ou malheureuse : pour cette raison et bien que l’expérience leur en ait donné cent fois le démenti, ils parlent d’un présage soit heureux, soit funeste. Enfin, si un spectacle insolite les frappe d’étonnement, ils croient être témoins d’un prodige manifestant la colère ou des Dieux ou de la souveraine Déité(1) ; dès lors, à leurs yeux d’hommes superstitieux ou irréligieux, ils seraient perdus s’ils ne conjuraient le destin par des sacrifices et des vœux solennels.
(1) Divinité mythique : dieu ou déesse
Spinoza, Traité des autorités théologiques et politique, Préface, (1670)
1. Spinoza soutient ici l’idée que la superstition n’est pas simplement une erreur de jugement comme cela serait le cas à l’issue d’un calcul mal fait. Ce n’est pas parce que je me trompe que je deviens pour autant superstitieux. Superstition est davantage l’expression d’un désir ignorant et d’une faiblesse face aux événements comme si elle était le seul moyen de rendre ces événements favorables. Pour défendre cette théorie, Spinoza procède par le raisonnement suivant. Il émet d’abord une hypothèse sous la forme conditionnelle : si on pouvait tout prévoir, alors on n’aurait pas besoin de recourir à la superstition. Cette prévision