Condorcet l'esclavage
TEXTE À COMMENTER POUR LA SÉANCE 10
Condorcet, Réflexions sur l’esclavage des nègres, tome II, 1781 (extraits)
« En supposant qu’on sauve la vie des nègres qu’on achète, on ne commet pas moins un crime en l’achetant, si c’est pour le revendre ou le réduire en esclavage. C’est précisément l’action d’un homme qui, après avoir sauvé un malheureux poursuivi par des assassins, le volerait. Ou bien, si on suppose que les Européens ont déterminé les Africains à ne plus tuer leurs prisonniers, ce serait l’action d’un homme qui serait parvenu à dégoûter des brigands d’assassiner des passants, et les aurait engagés à se contenter de les voler avec lui.
Dirait-on dans l’une ou l’autre de ces suppositions, que cet homme n’est pas un voleur ? […] On peut acquérir des droits sur la propriété future d’un autre homme, mais jamais sur sa personne. Un homme peut avoir le droit de forcer un autre à travailler pour lui, mais non pas de le forcer à lui obéir. L’excuse alléguée est d’autant moins légitime que c’est au contraire l’infâme commerce des brigands d’Europe qui fait naître entre les Africains des guerres presque continuelles, dont l’antique motif est le désir de faire des prisonniers pour les vendre […].
Ils ont l’art perfide d’exciter la cupidité et les passions des Africains, d’engager le père à livrer ses enfants, le frère à trahir son frère, le prince à vendre ses sujets . Ils ont donné à ce malheureux peuple le goût destructeur des liqueurs fortes […] et ils osent encore parler d’humanité