Les livres salutaires ne font pas de bruit. Sauf dans la tête. C'est dans la perspective d'une nouvelle réflexion que le dernier ouvrage de Mahmoud Hussein, habile pseudonyme qui cache deux sympathiques et brillants exégètes de l'islam, aborde une question explosive: savoir lire, ou relire, le Coran à la lumière de la modernité. A priori, l'idée porte en elle une mine d'ennuis, sauf si l'on offre au lecteur une critique constructive, aussi respectueuse de la foi que sévère envers des dogmes infondés. En une dizaine de chapitres aussi brefs qu'enlevés, les auteurs proposent une incursion passionnante dans les méandres de la spiritualité musulmane en réinterprétant tous les passages du Coran qui posent problème au lecteur contemporain, soit parce qu'ils sont invoqués à l'envi par les esprits rétrogrades qui en font une épée, soit parce qu'ils présentent aux non-musulmans un visage peu attirant. Reconnaissons à Mahmoud Hussein (déjà signataire des deux tomes d'Al-Sîra, la biographie «autorisée» du Prophète) le mérite de ne pas chercher à éviter les obstacles et de s'inspirer d'un principe universel: «La Parole de Dieu se présente comme indissociable du temps humain où elle s'est inscrite. Le croyant qui vit cette Parole sous d'autres cieux, en d'autres siècles, ne peut donc pas la prendre au pied de la lettre.» Appétissante introduction, que l'on complétera utilement avec cette autre pensée qui résume le caractère cathartique du livre: «En se privant d'une compréhension personnelle, librement élaborée, de l'univers que le Coran leur offre, c'est une part intime de leur identité, de leur confiance en soi, qu'ils [les croyants] mutilent. Ils ont alors tendance à se replier sur eux-mêmes et à s'isoler du reste du monde, plutôt qu'à se lancer, avec les autres composantes de l'humanité, dans l'aventure d'un destin commun.» On ne saurait mieux résumer la «maladie de