L’évolution de l’économie mondiale au cours des deux dernières décennies nous amène à un constat paradoxal : en dépit d’une accumulation de richesse sans précédent, certaines régions demeurent ancrées dans des états de privations en tous genres. Ce paradoxe a conduit les économistes du développement à accorder à la question des inégalités une place centrale dans l’étude de la relation entre croissance économique et pauvreté. En effet, les échecs répétés des politiques d’ajustement structurel (PAS), puis, plus généralement, les résultats insuffisants produits par une libéralisation des échanges et un recours au marché accrus, ont fait apparaître une nouvelle controverse : la croissance est-elle une condition suffisante pour réduire considérablement la pauvreté ? En effet, si elle est une condition nécessaire pour accroître les ressources financières des individus des pays en développement, force est de constater qu’elle ne se diffuse pas toujours à l’ensemble de la population de manière équitable.
2Ceci est dû au biais « inégalités » présent dans le taux de croissance économique. De la façon dont les gains de la croissance économique sont répartis à l’ensemble de la population dépend l’efficacité des résultats en termes de lutte contre la pauvreté. Ainsi, certains pays en développement ont pu connaître des phases d’expansion économique durant lesquelles l’accroissement des inégalités était tel que la croissance se trouvait être accompagnée d’une augmentation de la pauvreté (Bhagwati, 1988).
3Dans le but d’évaluer plus précisément l’impact de la croissance économique sur les couches de la population les plus défavorisées, nous utilisons un indice de croissance pro-pauvre (pro-poor growth index) et nous l’appliquons à l’économie marocaine sur la période 1985-1999. De par sa construction, cet indice permet de comparer la réduction de la pauvreté observée suite à une augmentation du PIB avec la diminution de la pauvreté que l’on aurait observée si les gains de la