Démocratie et religion
Les récentes contestations exprimées par la population et l’armée turques face à la possible accession à la présidence de la République de Turquie de l’islamiste modéré Abdullah Gül, ont illustré la vivacité des tensions existant entre religion, d’une part, et régime démocratique, de l’autre. La légitimité religieuse qui pendant des siècles avait fondé et légitimé le pouvoir du souverain dans les pays d’Europe, dans des modèles de monarchie absolue de droit divin ou de théocratie, a été contestée et renversée dès l’émergence de régimes démocratiques, qui ont substitué à la légitimité et à la souveraineté religieuse un modèle où la légitimité et la souveraineté émanaient du peuple. Ces deux exemples montrent la vive compétition, voire l’antithèse, entre la religion et la démocratie, et pourtant, les ressemblances et les points communs entre les deux sont, paradoxalement, nombreux. Si la religion désigne communément un ensemble de croyances et pratiques qui définissent le rapport de l’homme à une transcendance sacrée, et la démocratie, un système politique où le peuple se définit et se gouverne lui-même, les deux termes nourrissent le même objectif de fixer des principes et des règles de vie communes, de structurer la société (étymologiquement, la religion renvoie au mot latin religare, « relier », qui s’applique à la fois au lien entre les hommes et Dieu, et au lien entre eux les hommes eux-mêmes), et de proposer un modèle normatif qui se caractérise, notamment, par la définition de valeurs universelles. Ces objectifs communs apparaissent d’ailleurs comme le fondement de la concurrence entre religion et démocratie. Cette concurrence est-elle indépassable ? Religion et démocratie sont-elles totalement inconciliables ? Comment caractériser les interactions entre religion et démocratie : affrontement permanent, ou articulations et influences mutuelles ? La démocratie se construit-elle contre la religion ou en est-elle une émanation ?