De l'institution des enfants
« Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre », dans cet avis aux lecteurs, Montaigne veut présenter son projet car son œuvre est à la fois originale par sa forme et révolutionnaire par son dessein.
En effet, sous le terme « essai » il faut comprendre, tout d’abord, l’idée d’essayer une pensée, c’est-à-dire d’ébaucher une opinion que l’on pourra reprendre après, ensuite, l’idée de prendre une mesure, de peser ; s’essayer soi-même serait tenter de soupeser sa vie, son expérience, concrètement, selon ses réactions, ses sentiments. Enfin, au sens littéraire, l’essai est un genre favorisant la liberté de réflexion et de jugement, cette absence de contrainte explique les ajouts des diverses éditions (les lettres (a) et (c) signalent ces ajouts : (a) correspond à l’édition de 1580, (c) aux annotations de Montaigne en 1589-1592 en marge d’un exemplaire de 1588).
Dans ce chapitre, dédié à Mme Diane de Foix, comtesse de Gurson[1], qui attend un enfant, Montaigne propose des directives pour l’éducation d’un jeune noble.
A un enfant de maison[2] qui recherche les lettres, non pour le gain (car une fin si abjecte est indigne de la grâce et faveur des Muses, et puis elle regarde et dépend d’autrui), ni tant pour les commodités externes que pour les siennes propres, et pour s’en enrichir et parer au-dedans, ayant plutôt envie d’en tirer un habile homme qu’un homme savant, je voudrais aussi qu’on fût soigneux de lui choisir un conducteur qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine, et qu’on y requît tous les deux, mais plus les mœurs[3] et l’entendement que la science ; et qu’il se conduisît en sa charge d’une nouvelle manière.
(a) On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme qui verserait dans un entonnoir, et notre charge ce n’est que redire ce qu’on nous a dit. Je voudrais qu’il corrigeât cette partie, et que, de belle arrivée[4], selon la portée de l’âme qu’il a en main, il commençât à