Dictionnaire philosophique
— Ce n’est pas à vous à le croire ; car vous êtes sûr que votre religion est divine, et que les portes de l’enfer ne peuvent prévaloir contre elle [Matthieu, xvi,18]. Si cela est, rien ne pourra jamais la détruire.
Médroso
— Non, mais on peut la réduire à peu de chose, et c’est pour avoir pensé, que la Suède, le Danemark, toute votre île, la moitié de l’Allemagne, gémissent dans le malheur épouvantable de n’être plus sujets du pape. On dit même que si les hommes continuent à suivre leurs fausses lumières, ils s’en tiendront bientôt à l’adoration simple de Dieu et à la vertu. Si les portes de l’enfer prévalent jamais jusque-là, que deviendra le saint-office?
Boldmind
— Si les premiers chrétiens n’avaient pas eu la liberté de penser, n’est-il pas vrai qu’il n’y eût point eu de christianisme?
Médroso
— Que voulez-vous dire? Je ne vous entends point.
Boldmind
— Je le crois bien. Je veux dire que si Tibère et les premiers empereurs avaient eu des jacobins qui eussent empêché les premiers chrétiensd’avoir des plumes et de l’encre ; s’il n’avait pas été longtemps permis dans l’empire romain de penser librement, il eût été impossible que les chrétiens établissent leurs dogmes. Si donc le christianisme ne s’est formé que par la liberté de penser, par quelle contradiction, par quelle injustice voudrait-il anéantir aujourd’hui cette liberté sur laquelle seule il est fondé? Quand on vous propose quelque affaire d’intérêt, n’examinez-vous pas longtemps avant de conclure? Quel plus grand intérêt y a-t-il au monde que celui de notre bonheur ou de notre malheur éternel? Il y a cent religions sur la terre, qui toutes vous damnent si vous croyez à vos dogmes, qu’elles appellent absurdes et impies ; examinez donc ces dogmes.
Médroso
— Comment puis-je les examiner? Je ne suis pas jacobin.
Boldmind
— Vous êtes homme, et cela suffit.
Médroso
— Hélas! vous êtes bien plus homme que moi.
Boldmind
— Il ne tient qu’à vous d’apprendre à penser ; vous êtes né avec de