FAUT-IL NE PAS TRAVAILLER POUR ETRE LIBRE ?

L'inscription de la devise « Arbeit macht frei » (le travail rend libre) à l'entrée des camps de concentration et d'extermination des Nazis désigne le pouvoir libérateur du travail, hypothèse appuyée par de nombreux philosophes. Il n’y a nul doute que nous sommes nombreux à souhaiter ne pas avoir à travailler : en effet, le travail nous apparait souvent comme une contrainte sociale déplaisante et pénible. Il faut d’abord travailler à l'école, puis trouver un emploi pour gagner sa vie et créer ainsi sa place dans la société, au point que la majeure partie de notre vie semble vouée au travail. Cependant, le travail est avant tout une activité impliquant des règles auxquelles nous n’avons pas le choix de nous soumettre : un savoir-faire à acquérir, des procédures et/ou procédés à respecter. En fait, nous ne pouvons pas faire comme bon nous semble si nous voulons parvenir au résultat escompté. S'adonner à un travail, c'est donc toujours se plier à des exigences qui ne dépendent pas de notre libre arbitre (capacité de la raison à affranchir l’homme de tout déterminisme – René Descartes), mais qui semblent au contraire venir le limiter.
Pour autant, faudrait-il ne pas travailler pour être ou du moins se sentir libre ?
Pour répondre à cette question, faudrait-il encore que la liberté soit bien ce que nous avons jusqu'ici présupposé qu'elle soit : pouvoir faire ce que l’on désire, c'est-à-dire finalement ce qui nous plaît, sans obstacles ni limites. Cependant, c'est parce que nous travaillons que nous pouvons être indépendants d'autrui, produire par nous-même ce qui est nécessaire à notre subsistance et à notre bien-être, et ainsi avoir les moyens de mener notre vie comme nous le souhaitons, sans dépendre du bon vouloir des autres. En ce sens, si la durée de travail en tant qu'effort sur soi n'apparaît pas au premier abord comme un moment de liberté, son résultat semble quant à lui être un instrument de libération.