À cause des répercussions de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre froide qui s’en est suivie, la littérature du début du XXe siècle a pris, avec les écrivains existentialistes, la voie de l’engagement social et politique. Au même moment, le théâtre de l’absurde a lui aussi cherché à traduire, tant par la forme que par le contenu de ses pièces, le non-sens de cette époque et le malaise existentiel qui en résultait. Eugène Ionesco, l’un des porte-paroles de ce théâtre, dénonce, dans sa pièce Rhinocéros, publiée en 1959, tout totalitarisme, à l’image de celui auquel il a fait face en Roumanie à travers les agissements de la Garde de fer. Il y attaque particulièrement le dogmatisme sous toutes ses formes. Nous étudierons d’abord l’opposition qu’il crée entre les personnages doctrinaires : Jean, Dudard et Botard, et l’homme de bon sens qu’est Bérenger, puis nous verrons les duos contradictoires faisant ressortir les failles du dogmatisme et, finalement, constaterons les conséquences du dogmatisme. Ionesco dénonce le dogmatisme en opposant les personnages doctrinaires à l’homme de bon sens. Il présente Jean, Dudard et Botard comme étant doctrinaires, contrairement à
Bérenger. Jean, Dudard et Botard s’appuient aveuglément sur des concepts pour guider leurs actions. Le premier, Jean, se croit supérieurement intelligent et rabaisse sans arrêt les autres. Il a « l’esprit clair » (p. 47), dit-il, il est un « homme mesuré » (p. 41), il réfléchit, contrairement à Bérenger, du moins c’est ce qu’il laisse entendre. Le deuxième, Dudard, est le stéréotype de l’intellectuel qui explique tout par la théorie : « la pratique avait toujours le dernier mot. Elle l’a peut-être, mais lorsqu’elle procède de la théorie ! » (p. 130). Le troisième, Botard, est bourré d’idées toutes faites ; il fonctionne par slogans. D’ailleurs,
Ionesco lui fait reprendre un des slogans du Parti communiste : « la religion [qui] est l’opium des peuples ! » (p. 70). Toutefois, cette