Dissertation
LA CERVELLE D’OR
(France métropolitaine, juin 2006 – Séries ES et S)
Q UESTION : Alphonse Daudet reste célèbre auprès de nombreuses personnes pour ses Lettres de mon moulin publiées en 1869. L’une d’elles, intitulée La légende de l’homme à la cervelle d’or, est le surprenant récit de la vie d’un homme abusé par ses proches parce qu’il possède un cerveau en or qu’il disperse naïvement. Nous allons dégager la morale de ce texte et identifier le genre littéraire auquel il appartient. Nous constatons à la fin du récit que la morale est explicite. Comme le fait souvent Jean de La Fontaine dans ses Fables, Daudet détache un bref paragraphe du corps du récit et y expose assez clairement la « leçon » à tirer : « Il y a par le monde de pauvres gens qui sont condamnés à vivre de leur cerveau et paient en bel or fin […] C’est pour eux une douleur de chaque jour » (l.118 à 121). L’homme à la cervelle d’or est donc une métaphore de l’artiste qui crée son œuvre en épuisant ses ressources intérieures, jusqu’à ce que celles-ci soient épuisées et signent alors la mort (réelle ou artistique) du créateur. C’est aussi le thème de La peau de chagrin d’Honoré de Balzac. Une seconde morale s’ajoute à celle-ci : la passion amoureuse consume celui qui s’y adonne naïvement. On retrouve derrière ces deux enseignements la pensée de Daudet pour son ami Charles Barbara, écrivain qui se suicide après la mort de sa femme. Ce récit divertissant qui vise à enseigner correspond parfaitement à la définition de l’apologue. Pour être plus précis, il s’agit d’un conte ; la célèbre formule qui débute le récit ne laisse pas de doute : « Il était une fois » (l.24). Les personnages, stéréotypés, répondent bien aux exigences du genre, et l’histoire, merveilleuse, stimule l’imagination du lecteur en le plongeant dans un univers qui échappe aux conventions de notre monde. Le texte étant une lettre, il appartient par ailleurs au genre épistolaire. Cet apologue