Dissertation
P90-91 (l.621-650)
Portons-leurs nos découvertes et nos lumières ; dans quelques siècles ils y ajouteront peut-être, et le genre humain y aura gagné.
N'y aura-t-il jamais de prince qui fonde des colonies avec des vues aussi grandes ? N'enverrons-nous jamais des apôtres de la raison et des arts ? Serons-nous toujours conduits par un esprit mercantile et barbare, par une avarice insensée qui désole les deux tiers du globe, pour donner au reste quelques superfluités ?
O peuples d'Europe ! les principes du droit naturel seront-ils toujours sans force parmi vous ? Vos Grecs, vos Romains ne les ont pas connus. Avant le Gouvernement civil de Locke, le livre de
Burlamaqui et l'Esprit des Lois, vous les ignoriez encore ; que dis- je, dans ces livres mêmes sont-ils assez nettement posés sur la base de l'intérêt, commun à toutes les nations et à tous les hommes ?
Les Hobbes, les Machiavels et autres, n'ont-ils pas encore des partisans ? Dans quel pays de l'Europe les lois constitutives, criminelles, ecclésiastiques et civiles, sont-elles conformes à l'in térêt général et particulier ?
Peuples polis, peuples savants, prenez-y garde, vous n'aurez une morale, de bons gouvernements et des mœurs, que lorsque les principes du droit naturel seront connus de tous les hommes ; et que vous & vos législateurs, vous en ferez une application constante à votre conduite et à vos lois. C'est alors que vous serez meilleurs, plus puissants, plus tranquilles : c'est alors que vous ne serez pas les tyrans & les bourreaux du reste de la terre : vous saurez qu'il n'est pas permis aux Africains de vous vendre des prisonniers de guerre ; vous saurez que les Seigneurs des grands fiefs de Guinée ne peuvent vous vendre leurs vassaux, vous saurez que votre argent ne peut vous donner le droit de tenir un seul homme dans