Disserte
DAVID CHARLES
ULTIMA VERBA :
POUVOIR DU CONDAMNE ET DU PROSCRIT
Article publié dans Écritures du pouvoir et pouvoirs de la littérature",
Actes du colloque de Montpellier (1998) Universités Montpellier 3 et Paris 7 sous la direction de J.-Cl. Fizaine et A. Vaillant,
Lieux littéraires / La Revue, n° 3, juin 2001
Poser, dans l'œuvre de Hugo, la question du pouvoir du sujet de l'énonciation aboutit nécessairement à une confrontation entre Châtiments et Le Dernier Jour d'un condamné[1]. D'un côté, sous "un titre qui brûl"[2], le poème d'un proscrit qui proscrit un empereur ; de l'autre, un "livre qui rend malade", un roman qui tue son lecteur[3]. Pouvoir de l'écrivain exorbitant dans les deux cas. Leur lecture conjointe est en revanche une entreprise parfaitement raisonnable, qui enregistre la communauté de leur isolement dans l'histoire littéraire (les deux textes n'ont pas d'équivalents : il faudrait au moins que La Modification tutoie son lecteur et que Le Coup d'Etat permanent ne soit pas le programme d'un candidat), et compare l'absolument incomparable, qui ne peut se comparer qu'avec lui-même. Les positions du proscrit et du condamné ne sont effectivement assimilables à aucune autre, sinon entre elles puisque l'absolu ne se mesure pas au relatif.
Cela n'empêche pourtant pas qu'à première lecture, tout semble opposer les deux textes - particulièrement les sujets de leur énonciation.
Ici, un sujet auquel le monde survivra ("il tombait une pluie (...) qui durera plus que moi"[4]) ; un sujet réifié ("je serai quelque chose d'immonde qui traînera sur la table froide des amphithéâtres"[5]), pris dans une tautologie sans espoir ("les témoins ont bien témoigné, les plaideurs ont bien plaidé, les juges ont bien jugé"[6]) ; sous le coup d'une parole performative, la lecture d'un verdict, qui le tue plus tôt et plus sûrement que l'exécution de la peine ("Jusqu'à l'arrêt de mort, je m'étais senti