Don juan
Camille
Qui m’a suivi ? Qui parle sous cette voûte ? Est-ce toi Perdican ?
Perdican
Insensés que nous sommes ! Nous nous aimons. Quel songe avons-nous fait, Camille ? Quelles vaines paroles, quelles misérables folies ont passé COMME un vent funeste entre nous deux ? Lequel de nous a voulu tromper l’autre ? Hélas ! Cette vie est elle-même un si pénible rêve ! Pourquoi encore y mêler les nôtres ! O mon Dieu ! Le bonheur est une perle si rare dans cet océan d’ici-bas ! Tu nous l’avais donné, pêcheur céleste, tu l’avais tiré des profondeurs de l’abîme, cet inestimable joyau ; et nous,
COMME des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet. Le vert sentier qui nous amenait l’un vers l’autre avait une pente si douce, il était entouré de buissons si fleuris, il se perdait dans un si tranquille horizon ! Il a bien fallu que la vanité, le bavardage et la colère vinssent jeter leurs rochers
INFORMES sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser ! Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes ! O insensés ! Nous nous aimons. (Il la prend dans ses bras.)
Camille
Oui nous nous aimons, Perdican ; laisse-moi le sentir sur ton cœur. Ce dieu qui nous regarde ne s’en offensera pas ; il veut bien que je t’aime ; il y a quinze ans qu’il le sait.
1 Lieu consacré à la prière ; ici, la chapelle du château.
Perdican
Chère créature, tu es à moi. (Il l’embrasse ; on entend un grand cri derrière l’autel.)
Camille
C’est la voix de ma sœur de lait.
Perdican
Comment est-elle ici ? Je l’avais laissé dans l’escalier, lorsque tu m’as fait rappeler. Il faut donc qu’elle m’ait suivi sans que je m’en sois aperçu.
Camille
Entrons dans cette galerie, c’est là qu’on a crié.
Perdican
Je ne sais ce que j’éprouve ; il me semble que mes mains sont