Emergence du brésil
L’économie solidaire au Brésil : de l’émergence à la reconnaissance d’un mouvement
Une contribution à l’histoire sociale et politique de l’économie solidaire brésilienne. L’économie solidaire se construit, dans une large part, comme une alliance progressive de divers segments d’organisations de la société civile et de l’Etat. A la fin des années 1990, le développement de pratiques coopératives de création de revenus autour de la Caritas-Brésil, du MST ou de l’ANTEAG interpelle le monde syndical et le monde universitaire. Baptisées « économie solidaire », ces expériences semblent tracer une voie vers cet « autre monde » que les Forum Sociaux naissants appellent de leurs voeux. L’arrivée de Lula et du Parti des Travailleurs à la tête du gouvernement brésilien, en 2003, constitue alors à la fois un défi et une opportunité, tant pour le mouvement social organisé, qui cherche encore à consolider et à définir son identité, que pour le gouvernement, qui cherche à se défaire de son héritage assistantialiste et souhaite mettre en place des formes plus démocratiques de dialogue social. Les relations entre ces différents acteurs, sur lesquelles nous revenons dans cet article [1], sont d’autant plus marquées par leur désir d’être reconnus et estimés au sein du mouvement qu’ils souffrent de l’indifférence que leur oppose une grande partie du corps social et politique brésilien. Si elles ne sont pas exemptes de tensions et de conflits, ces relations ne sont cependant qu’imparfaitement rendues par les cadres d’analyse traditionnels qui pensent l’Etat et la société civile pris isolement et qui les condamnent à osciller entre peur de l’instrumentalisation et peur de l’impuissance. Il nous semble en effet que, sous certains aspects, ces acteurs réussissent à se penser en association au sein de la société, comme des partenaires pris dans une dynamique d’endettement mutuel positif [2], qui ne se déroule pas sans conflits mais qui est néanmoins capable de générer des