Il ne peut pourtant dédaigner les portiques, les lambris éclatants d'ivoire, les forêts taillées en jardins, les fleuves détournés dans les maisons particulières, qu'après avoir fait le tour de l'univers entier, et laissé tomber d'en haut un recard sur ce globe étroit, dont une grande partie est envahie par les eaux, tandis que celle qui surnage, ou brûlante, ou glacée, présente de tous côtés l'image de la détresse. Alors il se dit: Voilà donc le point que tant de nations se partagent le fer et la flamme à la main? Que l'homme est ridicule avec ses frontières! Le Dace ne franchira pas l'Ister; le Strymon servira de borne à la Thrace ; l'Euphrate sera une barrière contre les Parthes; le Danube séparera la Sarmatie et l'empire romain; le Rhin marquera où s'arrêteront les Germains; les Pyrénées élèveront leurs cimes entre l'Espagne et les Gaules; de vastes déserts de sables s'étendront entre l'Egypte et l'Ethiopie! Si l'on donnait aux fourmis l'intelligence de l'homme, ne partageraient-elles pas aussi l'aire d'une grange en cent provinces? Quand vous vous serez élevé à cette hauteur, chaque fois que vous verrez des armées marcher enseignes déployées, la cavalerie tantôt se portant à l'avant-garde, tantôt se répandant sur les ailes, comme si tout cela était chose sérieuse, vous pourrez dire avec le poête « Dans les champs se répand la noirâtre phalange ; » ce sont, des évolutions de fourmis, qui se donnent beaucoup de mouvement sur peu d'espace. Quelle différence y a-t-il entre elles et nous, si ce n'est l'extrême exiguïté de leur corps! O hommes! c'est sur un point que vous naviguez ; c'est sur un point que vous combattez, et que vous établissez vos empires, à peine visibles, eussent-ils même pour bornes les deux Océans. C'est au-dessus de vos têtes que se trouvent les espaces vraiment grands