Enjeux socio-culturels de la regulation marchande des medias audiovisuels
Emmanuel Belin1
L’évidence avérée d’une inefficience des systèmes économiques basés sur la gestion politique de la rareté doit sans doute se comprendre moins comme une leçon de l’histoire que comme un événement ramassant autour de quelques images frappantes les schémas de légitimité implicites qui régissaient déjà bien avant la chute du mur les choix politiques dans les démocraties occidentales. La construction européenne, presque réduite à celle d’un marché unique, est un indicateur de cette référence de fait à l’idéologie néolibérale. Ce qui caractérise ce processus, ce n’est sans doute pas tant la conviction d’une efficacité supérieure de la régulation des activités par le marché que celle d’une antériorité de ce type d’équilibrage sur les autres formes d’intervention. Dès lors qu’existent une rareté et une utilité, et quelle que soit la nature de celles-ci, l’échange marchand est considéré comme l’arrangement permettant le plus sûrement d’atteindre des équilibres initiaux, le cas échéant compensables par
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Aspirant au Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS).
Recherches en communication, n° 4, (1995).
EMMANUEL BELIN
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d’autres logiques portant sur les externalités des solutions ainsi réalisées. Sous-jacent à cette manière de procéder apparaît le postulat inquestionné de la pertinence d’une focalisation sur tous les aspects qui, parce que mesurables en termes monétaires, forment la dimension proprement économique des phénomènes régulés, comme si celle-ci, en toute circonstance, devait être considérée comme le cœur, l’essentiel du problème –l’externalité économique devenant synonyme de secondarité1. Cette définition de la réalité, ancrée elle-même dans l’histoire philosophique de la modernité, conduit à admettre une comparabilité illimitée de tous les types d’utilité, via le médium monétaire, et donc la possibilité de les traiter tous de la même manière.