Comme l'illustre le célébrissime mythe du garçon qui criait au loup, on enseigne globalement aux enfants à dire la vérité. Nuancée par l'adage non moins répandu " toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, la question du mensonge nous est si familière que nous nous y arrêtons peu. Mais enfin doit-on dire la vérité ? Et d'abord qu'est ce que la vérité ? La vérité est par définition la qualité de ce qui est vrai. Elle se conçoit comme une adéquation entre le langage et la pensée, entre ce qui se dit et ce qui se conçoit. Dans notre esprit même, c'est la symbiose de l'idée avec l'objet. Depuis qu'il parle ou sans doute peu après, et c'est alors qu'il a acquis la véritable capacité de parler, l'homme sait mentir. On peut en effet noter qu'il s'écoule en général quelques mois entre les premiers mots d'un enfant et ses premiers mensonges. La mythomanie est, il me semble, un des travers persistants chez les 5-8 ans, et avant il ne fait que transcrire directement en paroles ce qu'il pense ou ressent. Et c'est sûrement un des très grands caps dans le passage vers l'âge adulte; parce que l'enfant découvre le pouvoir immense des mots pour poursuivre ses fins, il s'enivre du vertige des flatteries et des négations, il parvient à mystifier la pensée de son entourage pour user de lui comme d'un pion. Et dès lors, il est puissant, à la fois fou et raisonnable, ne pensant plus qu'en tant qu'objets. Mais il est à coup sur tout entier fait homme, jeté pour jamais de l'Eden.
Il est donc certain que l'homme se réalise très largement par l'apprentissage du mensonge, qui lui permet de falsifier le réel, de le réécrire dans les esprits, d'autrui d'abord mais aussi de lui-même. C'est alors que se réalise ce complexe d'Icare : en voulant décider du vrai ou du faux, il se veut faire dieu en se trompant lui-même. Il est alors à la merci d'une scission catastrophique dans sa raison entre le vrai et le faux, qui se traduit par la schizophrénie. Pour parer à cette éventualité, la