Essai
Dans Athène autrefois, peuple vain et léger,
Un orateur, voyant sa patrie en danger,
Courut à la tribune; et d'un art tyrannique,
Voulant forcer les cœurs dans une république,
Il parla fortement sur le commun salut.
On ne l'écoutait pas. L'orateur recourut A ces figures violentes
Qui savent exciter les âmes les plus lentes:
Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put.
Le vent. emporta tout, personne ne s'émut; L'animal aux têtes frivoles,
Étant fait à ces traits, ne daignait l'écouter;
Tous regardaient ailleurs; il en vit s'arrêter.
A des combats d'enfants, et point à ses paroles.
Que fit le harangueur? Il prit un autre tour.
« Cérès, commença-t-il, faisait voyage un jour Avec l'anguille et l'hirondelle;
Un fleuve les arrête; et l'anguille en nageant, Comme l'hirondelle en volant,
Le traversa bientôt. » L'assemblée à l'instant
Cria tout d'une voix: « Et Cérès, que fit-elle? - Ce qu'elle fit? Un prompt courroux L'anima d'abord. contre vous.
Quoi? de contes d'enfants son peuple s'embarrasse! Et du péril qui le menace
Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet!
Que ne demandez-vous ce que Philippe fait? » A ce reproche l'assemblée, Par l'apologue réveillée, Se donne entière à l' orateur : Un trait. de fable en eut l'honneur.
Nous sommes tous d'Athène en ce point, et moi même,
Au moment que je fais cette moralité, Si Peau d'âne m'était conté, J'y prendrais un plaisir extrême.
Le monde est vieux, dit-on : je le crois; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.