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Le vieux duc de Guermantes ne sortait plus, car il passait ses journées et ses soirées avec elle1. Mais aujourd’hui, il vint un instant pour la voir, malgré l’ennui de rencontrer sa femme. Je ne l’avais pas aperçu et je ne l’eusse sans doute pas reconnu, si on ne me l’avait clairement désigné. Il n’était plus qu’une ruine, mais superbe, et moins encore qu’une ruine, cette belle1 chose romantique que peut être un rocher dans la tempête. Fouettée de toutes parts par les vagues de souffrance, de colère de souffrir, d’avancée montante de la mort qui la circonvenaient2, sa figure, effritée comme un bloc, gardait le style, la cambrure que j’avais toujours admirés ; elle était rongée comme une de ces belles têtes antiques3 trop abîmées mais dont nous sommes trop heureux d’orner un cabinet de travail. Elle paraissait seulement appartenir à une époque plus ancienne qu’autrefois, non seulement à cause de ce qu’elle avait pris de rude et de rompu dans sa matière jadis plus brillante, mais parce qu’à l’expression de finesse et d’enjouement avait succédé une involontaire, une inconsciente expression, bâtie par la maladie, de lutte contre la mort, de résistance, de difficulté à vivre. Les artères ayant perdu toute souplesse avaient donné au visage jadis épanoui une dureté sculpturale. Et sans que le duc s’en doutât, il découvrait des aspects de nuque, de joue, de front, où l’être, comme obligé de se raccrocher avec acharnement à chaque minute, semblait bousculé dans une tragique rafale, pendant que les mèches blanches de sa magnifique chevelure moins épaisse venaient souffleter de leur écume le promontoire envahi du visage. Et comme ces reflets étranges,