Explication de texte
Vivre en effet « consiste à agir », et pas seulement pour l'homme : dès ses formes les plus primitives, la vie est orientée par la polarité du favorable et du défavorable ; vivre, c'est rechercher l'un et fuir l'autre, c'est se choisir un milieu de préférences et d'exclusions. Si un objet n'a aucune importance pour un être vivant, si par exemple il ne constitue ni un danger, ni une source potentielle de nourriture, il n'est tout simplement pas remarqué, il ne fait sur le vivant aucune « impression ». Seule « l'impression utile », celle qui réclame du vivant en question une certaine réaction (de fuite ou de prédation par exemple) est clairement perçue ; ce qui n'est pas utile au moment présent s'enfonce dans un brouillard indéterminé sans que l'attention s'y porte. Or ce qui est vrai de tout vivant l'est aussi de l'homme : ce qui ne m'est pas utile à présent est peut-être perçu mais confusément, c'est-à-dire perçu sans être explicitement remarqué. C'est l'action qui guide la perception elle-même : je ne remarque que ce sur quoi j'agis ou ce dont j'ai besoin pour agir, aussi bien à l'extérieur de moi qu'en moi-même ; autrement dit, je ne retiens du réel en général qu'une « simplification pratique ». Entendons par là que sans que je m'en rende compte, ma conscience ne retient du réel que ce qui favorise mon action, en sorte que « les différences inutiles » entre les choses sont « effacées » (quand j'utilise un marteau, je ne suis par exemple pas attentif à ce qui fait que ce marteau est celui-ci et pas un autre). Ainsi, je classe les choses et je les nomme en fonction « du parti que j'en pourrai tirer », par exemple je nomme « marteau » tous les outils qui permettent d'enfoncer un clou, et par ce mot je ne retiens de chacun que leur utilité