Extrait du portrait du père goriot de balzac
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Le commerce des grains semblait avoir absorbé toute son intelligence. S’agissait-il de blés, de farines, de grenailles, de reconnaître leurs qualités, les provenances, de veiller à leur conservation, de prévoir les cours, de prophétiser l’abondance ou la pénurie des récoltes, de se procurer les céréales à bon marché, de s’en approvisionner en Sicile, en Ukraine, Goriot n’avait pas son second. A lui voir conduire ses affaires, expliquer ses lois sur l’exportation, sur l’importation des grains, étudier leur esprit, saisir leurs défauts, un homme l’eût jugé capable d’être ministre d’Etat. Patient, actif, énergique, constant, rapide dans ses expéditions, il avait un coup d’œil d’aigle, il devançait tout, prévoyait tout, savait tout, cachait tout ; diplomate pour concevoir, soldat pour marcher. Sorti de sa spécialité, de sa simple et obscure boutique sur le pas de laquelle il demeurait pendant des heures d’oisiveté, l’épaule appuyée au montant de la porte, il redevait l’ouvrier stupide et grossier, l’homme incapable de comprendre un raisonnement, insensible à tous les plaisirs de l’esprit, l’homme qui s’endormait au spectacle, un de ces Dolibans parisiens, forts seulement en bêtises. Ces natures se ressemblent presque toutes. A presque toutes, vous trouveriez un sentiment sublime au cœur. Deux sentiments exclusifs avaient rempli le cœur du vermicellier, en avait absorbé l’humidité, comme le commerce des grains employait toute l’intelligence de sa cervelle. Sa femme, fille unique d’un riche fermier de la Brie, fut pour lui l’objet d’une admiration religieuse, d’un amour sans bornes. Goriot avait admiré en elle une nature frêle et forte, sensible et jolie, qui contrastait vigoureusement avec la sienne. S’il est un sentiment inné dans le cœur de l’homme, n’est-ce pas l’orgueil de la protection exercée à tout moment en faveur d’un être faible ? Joignez-y l’amour, cette reconnaissance vive de toutes les âmes franches pour le principe de leurs plaisirs, et vous