Marc Fumaroli, éminent académicien français, tente dans son essai Le poète et le Roi de nous faire saisir tout le génie de La Fontaine, considéré à tort par beaucoup comme un écrivain modeste. Car La Fontaine a sans nul doute du génie, une critique contemporaine déclarait dans son introduction à propos du poète : « les fables paraissent rassurantes quand elles devraient nous inquiéter, quand elles devraient nous déranger ». En effet, le fabuliste sait à merveille dissimuler ses critiques derrière des situations banales et rassurantes, parfois même si bien dissimulées que le lecteur peut en rester à un stade où le réel message n’est pas véritablement saisi. Chaque fable ou plus généralement apologue comprend donc un message inquiétant qui tente de déranger le lecteur, mais également dans la forme, tente de le rassurer. Enfin les niveaux de compréhension d’un récit sont conditionnés par le lecteur lui-même, décidant sans le savoir de ce qu’il comprendra.

Les fables sont inquiétantes, elles tentent de nous déranger.

Nul ne l’ignore, derrière chaque animal d’une poésie de Jean de La Fontaine se cache un Homme. Dans les fables, deux types de personnages sont très souvent présents, l’un flatteur et malin, l’autre assez sot, étant lui-même la victime du premier. Evidemment l’auteur fait à chaque fois triompher le malin, le lecteur a donc une tendance naturelle (en général) à s’identifier à lui. Mais chaque comportement d’animal est calqué sur celui d’un Homme, y compris celui du sot, les animaux de La Fontaine sont nos reflets, une sorte de miroir sur nos comportements et actes. Il en découle donc que certains individus seront persévérants (la Tortue, du « Lièvre et la Tortue »), d’autres prévoyants (la Fourmi, de « La Cigale et la Fourmi ») mais que de nombreux autres seront pédants (Le Lièvre, du « Lièvre et la Tortue »), cruels et naïfs (le Lion, des « Obsèques de la Lionne ») ou même sots (le Corbeau, du « Corbeau et le Renard). Tous ces