Faut il vivre avec son temps ?
L’expression « il faut vivre avec son temps » semble exprimer une sorte de sagesse populaire. Souvent affirmée comme un rappel à l’ordre, elle vise à ramener les récalcitrants dans le droit chemin de leur époque. En tant que fils et filles de notre temps, nous nous devons, en quelque sorte, de l’assumer. Avons-nous seulement le choix ? Mais si l’obligation d’être de son temps est affirmée, c’est bien qu’elle ne s’impose pas immédiatement. Nous pourrions donc faire autrement. L’injonction morale sous-jacente condamne l’infidélité temporelle. Bon gré, mal gré, nous devons vivre avec notre temps, faire corps avec lui.
Refuser le présent jugé insatisfaisant pour trouver refuge dans le passé ou se projeter dans les rêves d’un avenir meilleur, est une manière de s’absenter du monde. Dans tous les cas, l’éloignement du présent isole. Ces escapades sont tolérées tant qu’elles restent marginales, mais prises en mauvaise part dès qu’elles commencent à devenir systématiques. La fuite hors du présent est renoncement à la temporalité commune, et d’une certaine manière, à la collectivité. Nous comprenons pourquoi un tel comportement est si souvent stigmatisé. La communauté peut, à tort ou à raison, le comprendre comme la manifestation d’une volonté d’opposition poursuivant des objectifs uniquement individuels. Autrement dit, cette attitude peut paraître « antisociale ». Retranchés volontaires du monde, nous devons pourtant y revenir car il se rappelle à nous.
Le temps commun et la sagesse politique
La politique semble adopter pour maxime l’obligation de vivre avec son temps. Son rôle principal est de fonder la décision. Il s’agit de montrer à quel point tel projet, telle réforme répond à une impérieuse nécessité ressortissant d’une inévitable adhésion au temps présent. L’époque exige. Cette idée se trouve sans cesse mise en avant dans les discours politiques. Elle aboutit à un relatif dédouanement des individus. Si la décision est dictée par