Fiche la raison et le réel
Dans la Lettre VII, Platon explique l’échec de son engagement politique au cœur de la tyrannie de Syracuse. Il y décrit la violence dont l’univers des hommes est imprégné. La parole de Socrate s’oppose à cette brutalité. Comme le remarque François Châtelet, le projet philosophique s’éclaire peut-être en ce point. D’un côté, il y a la contingence d’un monde où les désirs insatiables, les passions et la force brute engendrent le chaos et la souffrance. De l’autre, il y a le langage permettant à chacun de signifier quelque chose à l’autre. C’est sur le langage que le philosophe prend appui pour conduire sa recherche. Mais le discours peut être, lui aussi, un instrument du pouvoir. N’est-il pas, pour les sophistes, un moyen raffiné de dominer autrui ? C’est pourquoi le philosophe aspire à l’universalité du discours. Cette universalité est nécessaire afin que chacun, en droit, puisse s’y accorder. Cela suppose une légitimation. Il faut pouvoir rendre raison de ce que l’on avance. Justifier la suite de ses énoncés. Maîtriser l’art de la démonstration. Aussi bien le dialogue est-il la forme privilégiée du discours philosophique. L’homme ne possède-t-il pas une puissance de le faire ? Ne détient-il pas la raison, la faculté de raisonner discursivement en combinant logiquement concepts et propositions ? N’est-il pas raisonnable ? Une telle entreprise ne va évidemment pas de soi. L’universalité de droit du discours, l'harmonie possible entre les esprits, suppose un double accord. L’accord de la pensée avec elle-même, la cohérence que la raison permet. Et puis l’accord de la pensée avec la réalité. Sans cette adéquation, tous les discours ne se valent-ils pas ? Ce dernier accord définit la vérité. Avec elle le réel s’impose comme seul objet digne d’intérêt pour le discours philosophique. Mais quelle est cette réalité ? Le réel n’est pas seulement le possible. Penser le réel, c’est parvenir à saisir ce qui est effectivement. En d’autres termes, la