Nombreux sont les écrivains qui, avant Racine, ont abordé la légende de l’amour interdit entre le jeune Hyppolite et sa belle-mère, Phèdre. Sénèque, Garnier, ou même Euridipe avant eux, plaçaient alors Hyppolite au premier plan de la tragédie. L’originalité de la pièce de Racine réside donc dans le fait qu’il mette Phèdre au devant de la scène comme en témoigne le titre de l’oeuvre. La tragédie met l’accent sur une figure féminine torturée par un amour impossible parce qu’immoral. En effet, Phèdre s’éprend d’Hyppolite, fils de Thésée, son mari. Cet amour incestueux la submerge tant qu’elle se laisse doucement mourir. Dans cette scène, Oenone, sa nourrice, tente de connaître le mal qui la ronge, la tue. C’est sous cette pression quasi « maternelle » que Phèdre fait l’aveu de son amour, cet amour indicible qu’elle cache depuis si longtemps. Mais dans quelles mesures l’expression de l’amour interdit que Phèdre voue à Hyppolite fait elle de ce passage une tirade véritablement tragique à l’image de ce que doit être une tragédie exemplaire? Pour y répondre, nous étudierons les manifestations de la passion interdite de Phèdre puis l’inexorabilité de cet amour et enfin nous expliquerons la qualité exemplaire de cette tirade dans la tragédie.
Phèdre est prisonnière d’un amour qu’elle estime contre-nature et qui la détruit. L’aveu qu’elle en fait dans ce passage à sa confidente Oenone est empreint de tous les paradoxes propres à l’amour passionnel qui témoignent du désordre amoureux. La manifestation est d’abord physiologique. Phèdre est victime physiquement de son amour et les signes sont évidents dès le premier vers : « je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ». Ce tétramètre renferme une succession de couleurs oxymoriques, le rouge et le blanc, accentuées par une allitération en « i » qui mettent en relief l’intensité de l’amour et la puissance, le pouvoir, du regard. Le trouble est si profond que Phèdre passe d’un état à son contraire de manière quasi