Francais des jeunes
« Wesh » (salut, ça va ?), « Wua mortel, une teuf chez oit ? C'est chan-mé bien ! » (traduction approximative : « Tu fais une fête chez toi ? C'est super ! »)… « C'est trop de la balle » (idem)… Bribes de conversation ordinaire entre lycéens ordinaires, saisies au hasard d'un coin de rue d'un quartier plutôt chic de la capitale. Ce « céfran » que parle aujourd'hui les adolescents surprend souvent leurs parents, qui ont du mal à les comprendre. Opération réussie, puisque s'ils emploient un langage codé, c'est précisément pour exclure les adultes de leur univers. Ce phénomène n'est pas nouveau et le javanais d'après-guerre choquait autant les parents d'alors. Aujourd'hui, le langage des jeunes s'inspire souvent de la langue des cités, mélange de verlan, de termes empruntés à de vieux argots français, ou aux diverses cultures qui cohabitent dans nos cités (lire pages suivantes).
Agressive, grossière, machiste !… Ce ne sont pas les qualificatifs qui manquent pour parler de la langue des jeunes. Popularisée notamment par le rap, il advient qu’elle provoque pincements de nez ou reculs d’horreur. Elle sent le soufre et c’est précisément pour cela qu’elle intrigue, qu’on vient s’y frotter. Cependant, elle ne mérite pas davantage d’être vouée aux gémonies que d’être portée aux nues…
De l’argot à la langue des jeunes
Il fut un temps où l’argot, à l’origine « le jargon du royaume d’Argot », c’est-à-dire la langue des voleurs, était classé dans le « bas », le « mauvais langage ». C’est ainsi qu’un certain Étienne Molard à l’égard duquel la postérité s’est montrée d’une redoutable ingratitude, commettait, en 1805, un Dictionnaire grammatical du mauvais langage ou Recueil des expressions et des phrases vicieuses usitées en France, et notamment à Lyon. Nous sommes à l’aube d’une époque où fleurissaient des dictionnaires d’argot. L’intention de départ était de mettre en garde les gens du monde contre les voyous[1]. C’est dans les Mémoires de Vidocq,