Souvenirs

Sur la Praça do Comércio, à Lisbonne, au pied de la cathédrale, vivait un vieil homme sans espoir, sans amis, sans famille. Il ne lui restait plus que le seul souvenir des chevaux qu’il avait dressés à l’attelage. Le mendiant avait soixante ans, mais il en paraissait quatre-vingt-dix à cause de la rudesse de sa vie passée. Il ne se doutait pas que quelqu’un allait bouleverser sa solitude le lendemain.

Pierre, un jeune français, était arrivé au Portugal par avion au petit matin. Il prit un taxi, se rendit à la place principale de Lisbonne et se mit en quête d’un hôtel. Le jeune homme passa devant la célèbre cathédrale, donna un euro à un mendiant sans importance et suivit son chemin. Ce fut au carrefour qu’il s’arrêta net. Il tenait peut-être une piste. Trente secondes plus tard, son doute était certifié : le pauvre mendiant portait des vieilles bottes de cocher. Pierre parlait couramment le portugais :

« -Bonjour monsieur. Je suis français et je m’appelle Pierre. Je suis au Portugal, berceau de la tradition équestre, dans le but d’approfondir ma thèse sur le sujet.

-hmmm… râla Pedro »

Pierre s’assit alors à côté du vieil homme et le regarda bien dans les yeux :

« -vous savez monsieur, je respecte toujours les paroles d’un homme de cheval. Vous pouvez tout me confier, je n’interprèterai rien, je constaterai c’est tout. »

En effet, Pierre avait remarqué la réticence de Pedro à propos du sujet.

« -Bon, d’accord fiston, je vais te raconter mon histoire. Tout a commencé quand j’avais seize ans. Les chevaux ne m’intéressaient pas, disons que j’étais plus occupé avec les filles, vois-tu. Le vieil homme marqua une pause, comme si son récit l’essoufflait. Bon, comme je le disais, tout a commencé à seize ans. Je me promenais dans la rue San Diego, quand je croisai un homme en calèche, tirée par deux chevaux. L’homme murmurait d’une façon étrange. Il parlait à ses chevaux. Je me demandais quel homme pouvait être assez fou pour parler à